Il était "fan" de radis ... ceux qu'il semait dès les premiers soleils dans son mètre carré de jardin que lui cédait le grand père tous les ans au printemps.
Il traçait une ligne, déposait les graines, les recouvrait délicatement, arrosait, s'en allait, jouait ... oubliait.
En fin de journée, traversant la cour avec son arrosoir percé, il dessinait des méandres entremêlés avec son filet d'eau sur le bitume et revenait au jardin, déclinant des bruits de tracteur sur toute la gamme en traînant les pieds.
Une fois le portillon du jardin poussé, en silence il déversait les gouttes restantes, l'oeil rivé au ras de la ligne encore humide pour voir si les radis étaient sortis.
Une moue aggravait alors sa frimousse barbouillée d'apprenti mécano-éleveur-cyclo-ferrailleur-pilote de course-jardinier ... rien ne poussait, il n'avait pas assez arrosé !
Il repartait en direction de la fontaine, une fois, deux fois, dix fois, jusqu'à ce qu'il perçoive enfin, perdue dans ses vrombissements d'arroseuse percée, la voix du grand père qui lui disait :
-- ASSEZ !!... mais tu vas les noyer !!
Puis la ville et l'école donnaient en simultané l'air et les vacances indispensables à la croissance de ses joyaux.
A peine sorti de la voiture les semaines suivantes, avant même de dire bonjour, il courait au jardin : les fanes sorties de terre, les têtes rondes écarlates pointaient, il revenait rayonnant en brandissant un superbe radis.
-- Ça y est pépé !!...
-- Ah oui !?... (un pépé ça sait bien être surpris) ben tu vas pouvoir en croquer alors ?
-- Ben non, j'aime pas bien les radis, moi !