Hier c'était Pâques, j'aurais eu envie de te téléphoner comme je le faisais 10 ans en arrière quand les enfants n'étaient plus en âge de crapahuter dans ton jardin fleuri en quête d'oeufs au chocolat et que chacun vivait la Pâques à sa manière dans son coin de France.
On aurait fait la causette de tout, de rien, du temps, de la santé, du fleurissement du jardin, de nos occupations de la semaine, de nos états d'âme, ont aurait ri pour des babioles et puis on aurait raccroché, un petit sourire au fond du coeur.... bonheur d'avoir entendu nos voix.
Les ans ont passé, l'âge et la maladie semant leur lassitude, t'ont peu à peu privé de ta verve et de tes émotions, laissant place au chagrin d'avoir perdu ton compagnon d'une vie. J'ai continué à t'appeler, à te raconter mais plus rien n'avait vraiment grâce à tes yeux. Tu semblais entendre sans vraiment écouter, tu disais que tu n'avais plus de nouvelles de Lui, que tu attendais qu'Il revienne....parce que tu n'as jamais admis qu'Il s'en aille.
On dit que les épreuves rapprochent les humains, je n'en suis pas si sûre... ce dont je suis sûre c'est qu'elles modifient la nature des liens qui les unissaient.
Ceux qui sont touchés s'isolent pour prendre de plein fouet le malheur qui les accable avec un sentiment d'ignoble injustice. Ils considèrent que les autres ne font plus partie intégrante de leur monde... seuls ceux qui sont touchés par le même fléau ont grâce à leur yeux.
Les proches sont ébranlés, ils veulent compatir, soutenir mais tous leurs mots paraissent dérisoires, injustifiables puisque pas assez éprouvés.... alors ils continuent tant bien que mal avec maladresses et culpabilité à les accompagner tout en se préservant, des fois qu'à leur tour ils ne se fassent happer et puis parce que malgré tout la Vie continue... heureusement.
Les derniers temps sans jamais sombrer dans la plainte, tu disais simplement que tu étais fatiguée et que ça suffisait... je parlais du soleil, de la pluie, des petits... tu disais " à demain ! " et tu voulais dormir.
Mon bonheur aujourd'hui c'est que tu L'as rejoint et que je garde en moi la Nénette et son Rintintin des jours heureux, et tant pis si hier tu n'avais pas ton téléphone, moi je t'ai entendue.
" à demain maman !..."